lundi 28 janvier 2013

Les migrants subsahariens au Maroc: entre acceptation et rejet


Le Maroc, de par sa situation géographique, est certes un passage privilégié pour tous ceux qui tentent de rejoindre illégalement l'Europe, mais ce n'est pas seulement un espace de transit. En effet, si la question des migrants subsahariens dans le pays est souvent assimilée au phénomène de l'immigration illégale, elle est en réalité plus complexe.


Les clandestins, la partie émergée de l'iceberg

            Bien entendu, l'immigration clandestine est une réalité qu'on ne peut occulter. Le Maroc est engagé avec ses partenaires européens comme le prouve sa participation, au côté de l'Espagne notamment, au dispositif Frontex qui vise à assurer la sécurité extérieure des pays de l'Union Européenne. On ne peut occulter aussi le fait que certain des migrants qui tentent régulièrement la traversée sont d'origine subsaharienne, mais en réalité l'immigration illégale vers l'Europe est avant tout un phénomène maroco-marocain, la majorité des tentatives étant le fait de locaux, et c'est une réalité bien souvent oubliée par les marocains eux-mêmes.
            On estime aujourd'hui le nombre de subsahariens en situation irrégulière au Maroc à plus de 10 000, un chiffre relativement faible et qui comprend aussi bien les candidats à l'immigration illégale que les réfugiés de tout types visant à se stabiliser au Maroc. En réalité les clandestins ne sont que la partie émergée de l'iceberg, celle qui mobilise les médias et les hommes politiques, mais ils ne sont en aucun cas représentatifs de la communauté subsaharienne du Maroc dans sa totalité. Pour autant l'immigration clandestine des subsahariens pose un certain nombre de problèmes, leur prise en charge par les autorités locales faisant face à un vide juridique problématique quand il s'agit de respecter les droits élémentaires de ceux qui restent avant tout des êtres humains.


Les étudiants de plus en plus présents

            Les étudiants subsahariens au Maroc constituent un contigent de plus en plus important. Originaires d'Afrique de l'Ouest, ils sont de plus en plus nombeux à faire le choix des universités marocaines pour obtenir leurs diplômes. Le Maroc a dans ce cadre mis en place un certain nombre d'accords avec les pays concernés, qui permettent notamment des dispenses de visa et l'obtention de bourses d'étude. Le Sénégal, qui dipose d'excellentes relations avec le Royaume, est sans doute un bon exemple de la volonté de mettre en place une coopération Sud-Sud solide et efficace. La communauté des étudiants sénégalais au Maroc est ainsi l'une des plus importantes et les mieux implantés, diposant d'une association propre, l'Union Générale des Etudiants et Stagiaires Sénégalais au Maroc (UGESM).
            Mais la vie de ces étudiants est loin d'être un long fleuve tranquille, victimes qu'ils sont de l'amalgame avec les clandestins et d'un racisme quasi-endémique dans leur pays d'accueil. Ce dernier est sans doute une caractéristique de la société marocaine dans son ensemble, encore peu convaincue de son appartenance à un espace "africain". La situation des subsahariens en situation régulière en général reste difficile, les aggressions dont ils sont l'objet sont communes, certaines de la part des forces de l'ordre elles-mêmes, il leur est par ailleurs difficile de trouver un travail ou un logement et ils restent mal vus par la société marocaine qui a du mal à concevoir un Maroc d'immigration.


Emergence d'une stucture militante

            Ainsi entre acceptation et rejet, les subsahariens au Maroc ont comprit qu'ils avaient besoin de s'unir pour mieux faire entendre leur voix. On assiste ainsi à la mise en place d'un certain nombre d'associations tel le Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), créé en 2006, ou encore le Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM), qui militent pour la reconnaissance des droits de ces communautés. La bataille est donc aujourd'hui politique et la situation est tendue, la dernière victime en date n'étant autre que Camara Laye, dirigeant du CMSM, emprisonné pendant un temps. Néanmoins cette volonté de se constituer en association dénote de la détermination qui anime les subsahariens à défendre leurs intérêts et à changer les mentalités et marque sans doute un tournant dans leur lutte.
            Cette question des migrants subsahariens, qu'ils soient clandestins ou en situation régulière, est vécue par les marocains comme une "problématique", au sens négatif du terme, en réalité elle est d'un point de vue sociologique essentielle à la compréhension des mutations que vie la société marocaine dans le cadre de la mondialisation. La lutte conte le racisme n'en est qu'à ses balbutiements et doit faire face à l'ambiguité des prises de position et des actions du "Makhzen" qui souffle le chaud et le froid, mais aussi aux propos plus que contestables des médias, tel le magazine Maroc-Hebdo qui titrait récemment "Le péril noir" en référence aux clandestins, preuve d'un racisme devenu banal dans la société marocaine. C'est donc un travail de longue haleine qui attend ces associations et les défenseurs des droits de l'Homme en général. Quoi qu'il en soit la migration subsaharienne au Maroc doit aussi ête vue comme une chance, permettant le multiculturalisme et renforçant la coopération entre les communautés.

Youssef Jaidi 
Amnesy Maroc

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