dimanche 22 décembre 2013

Réflexions à propos de la peine de mort


 
« Dans la réalité judiciaire, qu’est ce que la peine de mort ? Ce sont douze hommes et femmes, deux jours d’audience, l’impossibilité d’aller au fond des choses, et le droit ou le devoir, terrible, de décider de la vie ou de la mort d’un autre être » (Robert Badinter)

Il s’appelle Maher Manai il a 31 ans et  il a passé le tiers de sa vie pour un crime qu’il n’a peut être  pas commis. Arrêté le 6 Septembre 2003 suite à un homicide ayant conduit au décès d’un homme, il est reconnu coupable de ce crime et est condamné en 2004 à la peine capitale suite à un simulacre de procès. Pourtant, Maher Manai n’arrêtera jamais  de clamer son innocence. 

Prison de la Mornaguia, 8 ans plus tard,  un détenu  arrive. Il vient d’être transféré de la prison de Sfax à Tunis. Voulant manifestement impressionner ses codétenus comme il est d’usage pour tout détenu cherchant à marquer son empreinte dans une prison,  Il leur raconte que  les faits qui lui sont reprochés ne valent rien par rapport à ce qu’il a pu faire dix ans auparavant. Ainsi, Il dit qu’il a été complice d’un meurtre, à Sfax. Un meurtre pour lequel  un certain Maher Manai a été arrêté et condamné à mort…

En écoutant le récit de son codétenu, Maher Manai se reconnait totalement dans le récit qu’il vient d’entendre. Pour lui pas de doute possible, il venait de trouver enfin  une échappatoire qui allait lui permettre d’être blanchi défini  dans cette affaire.

Il alerte sa famille qui mandate  un avocat. L’affaire venait d’être complètement relancé, le détenu confirmera ses propos devant la justice et désignera ses complices. Pour le moment Maher Manai reste en prison car les personnes désignées par ce témoin n’ont pas encore été arrêté.

Indépendamment de la suite que nous réserve ce feuilleton judiciaire, le cas de Maher Manai est révélateur en lui-même de l’absurdité de la peine capitale. Ainsi, et si  la Tunisie n’observait pas  un moratoire en matière de peine de mort, moratoire qui permet la non exécution des condamnés à mort , Maher Manai aurait sans doute été exécuté alors que de forts indices plaident en faveur de son blanchiment. Combien d’innocents a-t-on exécuté au nom de cette peine de mort, signe éternel de la barbarie selon les dires de Victor Hugo? Nul ne le  sait.

Malheureusement, et en dépit des ravages qu’elle peut occasionner,  la peine de mort  que le Doyen Iyadh Ben Achour définit comme  le droit de tuer pour punir, reste, chez une large partie de la population arabe au dessus de tout soupçon.

Les arguments brandis par ses défenseurs sont souvent les mêmes : prévention sociale par l’exemple, responsabilité du coupable, compensation de la victime et surtout le texte sacré (le Coran pour les musulmans) présenté comme l’argument suprême  pour justifier le recours à la peine de mort.

Abstraction faite des débats qui existent sur la signification réelle des dispositions portant sur la peine de mort en Islam, le réel problème soulevé par l’argument religieux c’est que selon ces théories, la vie est un don de Dieu pour l’humanité, Dieu contrôlant ainsi toutes les péripéties de cette vie de la naissance jusqu’à la fin : donc  selon cette même logique, le début  et la fin d’une vie ne dépendent  pas des personnes mais de Dieu, comment se fait il alors qu’on légitime l’interruption prématurée d’une vie ?  Dieu ne déciderait -t il pas de tout en ce qui concerne l’existence ? N’y a-t-il pas là  une contradiction manifeste  entre  cette forme de panthéisme et l’idée d’une peine de mort décidée et exécutée par des hommes?

Prévention sociale par l’exemple dites-vous ?  Drôle d’exemple. Concrètement la peine de mort se résume en la « guérison » d’un mal par un autre mal (permettez nous cette antithèse), en exécutant une personne, c’est comme si on  chassait  le tort par un autre tort. Si tu punis le mal que j’ai fait par le mal, quelle est la différence entre toi et moi disait Omar Khayam…et puis comme le dit si bien le Professeur  Robert Badinter l’utilisation (récurrente) par une démocratie de la peine de mort à l’encontre des terroristes fera , à termes, siennes les valeurs de ces derniers.

Responsabilité du coupable ? En tuant le coupable, on le supprime, et en le supprimant on l’empêche d’assumer sa culpabilité, le coupable échappera donc à cet exercice o combien nécessaire et ne se mettra jamais en face de ses responsabilités.

Quant à l’argument sur la compensation de la victime, que se passerait-il si sa famille décide après un certain temps de pardonner au coupable ? Y aura-t-il moyen de pardonner quand le coupable aura déjà été exécuté ? C’est que  c’est avant tout l’espoir du pardon qu’on exécute en exécutant le coupable…

Ne dit-on pas que la faute est humaine et que le pardon était…Divin ? 


Article inspiré d’une conférence tenu en présence de Robert Badinter, Iyadh Ben Achour et Samy Ghorbal.


Nessim Bengharbia

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