« Dans
la réalité judiciaire, qu’est ce que la peine de mort ? Ce sont douze
hommes et femmes, deux jours d’audience, l’impossibilité d’aller au fond des
choses, et le droit ou le devoir, terrible, de décider de la vie ou de la mort
d’un autre être » (Robert Badinter)
Il s’appelle Maher Manai il a 31 ans et il a passé le tiers de sa vie pour un crime
qu’il n’a peut être pas commis. Arrêté
le 6 Septembre 2003 suite à un homicide ayant conduit au décès d’un homme, il
est reconnu coupable de ce crime et est condamné en 2004 à la peine capitale suite
à un simulacre de procès. Pourtant, Maher Manai n’arrêtera jamais de clamer son innocence.
Prison de la Mornaguia, 8 ans plus tard, un
détenu arrive. Il vient d’être transféré
de la prison de Sfax à Tunis. Voulant manifestement impressionner ses codétenus
comme il est d’usage pour tout détenu cherchant à marquer son empreinte dans
une prison, Il leur raconte que les faits qui lui sont reprochés ne valent rien
par rapport à ce qu’il a pu faire dix ans auparavant. Ainsi, Il dit qu’il a été
complice d’un meurtre, à Sfax. Un meurtre pour lequel un certain Maher Manai a été arrêté et
condamné à mort…
En écoutant le
récit de son codétenu, Maher Manai se reconnait totalement dans le récit qu’il
vient d’entendre. Pour lui pas de doute possible, il venait de trouver
enfin une échappatoire qui allait lui
permettre d’être blanchi défini dans
cette affaire.
Il alerte sa
famille qui mandate un avocat. L’affaire
venait d’être complètement relancé, le détenu confirmera ses propos devant la
justice et désignera ses complices. Pour le moment Maher Manai reste en prison
car les personnes désignées par ce témoin n’ont pas encore été arrêté.
Indépendamment de
la suite que nous réserve ce feuilleton judiciaire, le cas de Maher Manai est
révélateur en lui-même de l’absurdité de la peine capitale. Ainsi, et si la Tunisie n’observait pas un moratoire en matière de peine de mort,
moratoire qui permet la non exécution des condamnés à mort , Maher Manai aurait
sans doute été exécuté alors que de forts indices plaident en faveur de son
blanchiment. Combien d’innocents a-t-on exécuté au nom de cette peine de mort,
signe éternel de la barbarie selon les dires de Victor Hugo? Nul ne le sait.
Malheureusement,
et en dépit des ravages qu’elle peut occasionner, la peine de mort que le Doyen Iyadh Ben Achour définit
comme le droit de tuer pour punir, reste,
chez une large partie de la population arabe au dessus de tout soupçon.
Les arguments
brandis par ses défenseurs sont souvent les mêmes : prévention sociale par
l’exemple, responsabilité du coupable, compensation de la victime et surtout le
texte sacré (le Coran pour les musulmans) présenté comme l’argument
suprême pour justifier le recours à la
peine de mort.
Abstraction faite
des débats qui existent sur la signification réelle des dispositions portant
sur la peine de mort en Islam, le réel problème soulevé par l’argument
religieux c’est que selon ces théories, la vie est un don de Dieu pour l’humanité,
Dieu contrôlant ainsi toutes les péripéties de cette vie de la naissance
jusqu’à la fin : donc selon cette
même logique, le début et la fin d’une vie
ne dépendent pas des personnes mais de
Dieu, comment se fait il alors qu’on légitime l’interruption prématurée d’une
vie ? Dieu ne déciderait -t il pas
de tout en ce qui concerne l’existence ? N’y a-t-il pas là une contradiction manifeste entre cette forme de panthéisme et l’idée d’une
peine de mort décidée et exécutée par des hommes?
Prévention sociale
par l’exemple dites-vous ? Drôle
d’exemple. Concrètement la peine de mort se résume en la « guérison »
d’un mal par un autre mal (permettez nous cette antithèse), en exécutant une
personne, c’est comme si on chassait le tort par un autre tort. Si tu punis le mal
que j’ai fait par le mal, quelle est la différence entre toi et moi disait Omar
Khayam…et puis comme le dit si bien le Professeur Robert Badinter l’utilisation (récurrente)
par une démocratie de la peine de mort à l’encontre des terroristes fera , à
termes, siennes les valeurs de ces derniers.
Responsabilité du
coupable ? En tuant le coupable, on le supprime, et en le supprimant on
l’empêche d’assumer sa culpabilité, le coupable échappera donc à cet exercice o
combien nécessaire et ne se mettra jamais en face de ses responsabilités.
Quant à l’argument
sur la compensation de la victime, que se passerait-il si sa famille décide
après un certain temps de pardonner au coupable ? Y aura-t-il moyen de
pardonner quand le coupable aura déjà été exécuté ? C’est que c’est avant tout l’espoir du pardon qu’on
exécute en exécutant le coupable…
Ne dit-on pas que
la faute est humaine et que le pardon était…Divin ?
Article inspiré d’une conférence tenu en présence de
Robert Badinter, Iyadh Ben Achour et Samy Ghorbal.
bravo Nessim :)
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