Cela fait maintenant plus d’une semaine que Walid Denguir, 32 ans est
décédé dans des circonstances plus que troublantes.
Le jeune homme qui aurait eu un casier judiciaire assez rempli, est décédé
le 1er Novembre 2013 dans un poste de police à Tunis, quelques
heures seulement après avoir été
appréhendé par des policiers pour une
affaire d’usage et trafic de cannabis et association de malfaiteurs.
La famille de la victime soupçonne de suite que la mort de Walid Denguir est due à des
actes de tortures. Leurs craintes seront vérifiées dès le lendemain
lorsqu’ils auront l’occasion de
récupérer le cadavre de la victime.
Les proches du défunt font alors appel à Radhia Nasraoui , célèbre activiste
et présidente
de l'Organisation contre la torture en Tunisie et à un photographe afin de
prendre quelques photos avant que le corps de la victime ne soit enterré.
Très vite, les photos du corps ensanglanté font le tour de la
planète web, les commentaires s’enchainent, les langues se délient, la
polémique enfle. Pour Radhia Nasraoui, il ne fait pas l’ombre d’un doute que
Walid Denguir a été torturé. « J'ai vu le cadavre avec des traces horribles, des dents cassées, le
crâne comme défoncé, du sang qui s'était écoulé du nez et des oreilles
Il avait une grosse
bosse derrière l'oreille, et des traces bleues au niveau des poignets, des
chevilles et derrière les genoux, comme s'il avait subi la torture du poulet
rôti », déclare t'elle au journal français Le
Monde, visiblement effarée par ce qu’elle vient de voir. Même son de cloche
chez Zied Ben Taleb, le photographe qui
a pris les clichés, « Il a reçu des coups très graves, il a dû être tiré ou accroché. »
En dépit de la gravité des
faits, aucune réaction n’émanera sur le champ des autorités en place. Il faudra
même attendre le lundi 4 novembre 2013,
soit plus de 48 heures après les faits pour que le ministère de l’intérieur se décide
à ouvrir une enquête judiciaire et administrative pour déterminer les
circonstances exactes de la mort de Walid Denguir…
Pire encore, les résultats
préliminaires de l’autopsie concluront que la mort est due à un arrêt cardiaque
survenu suite à une overdose de drogues. Quant aux traces de coups ou de
pratique de torture, le même rapport
précise qu’elles ont été occasionnées lors de la pratique de l’autopsie
proprement dite.
Bien
évidemment, ce rapport préliminaire est loin de faire l’unanimité même parmi
les spécialistes. Pour Sami Abid, médecin psychiatre et addictologue, ce
résultat d'autopsie est tout simplement "faux".
Dans une déclaration à l’hebdomadaire français Nouvel Observateur, il déclarera
: "On ne connaît pas de dose mortelle au cannabis, sauf pour de petits
animaux selon certaines études pratiquées en laboratoire sur des souris. Il
existe un risque létal en cas de surconsommation chez les petits mammifères,
non, d'ailleurs, par arrêt cardiaque, mais par dépression du système nerveux
central...", assure le médecin, ajoutant en outre que "pour provoquer
la mort d'un homme il faudrait l'ingestion d'environ 10 kg à 21 kg de cannabis
selon la concentration".
Durant
les années Ben Ali, la violence
était courante dans les commissariats et la crainte est grande de voir ces
pratiques perdurer dans la Tunisie d'aujourd'hui. Faut dire que rien n’a été
fait pour essayer d’éradiquer de façon définitive la torture dans les centres
de détention.
Depuis la révolution du 14 Janvier 2011, bon
nombre d’affaires de torture ont émergé.
Toute
la Tunisie a encore en mémoire les cas d’Abderraouf Khamessi
décédé le 8 septembre 2012, après avoir été torturé au siège de la brigade de
la police judiciaire de Sidi Hassine à Sijoumi et de Mariem, violée par 3
policiers lors d’un contrôle de police. Chaque fois, le même procédé se répète,
le ministère de l’Intérieur lance une enquête et les agents auteurs de ces
dépassements sont sanctionnés et punis pénalement. S’il convient de se
féliciter pour ces sanctions prises à
l’encontre de ces agents fautifs, n’y a-t-il pas à s’interroger sur la nécessité d’une profonde
réforme dans la formation des agents de l’ordre et dans le système carcéral en
général et ce afin d’éviter de nouveaux drames.
Qu’attendent
nos responsables actuels pour lancer cette profonde réforme ?
C’est
aux gouvernants actuels et futurs de prendre toutes les mesures nécessaires
afin d’éradiquer la torture, à défaut de cela, d’autres Abderraouf Khamessi et
Walid Denguir viendront s’ajouter à une liste déjà beaucoup trop longue…
Nessim Bengharbia
Amnesty International Tunisie
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