La question des Droits de l'Homme revient avec acuité .Elle est
sans doute l'une des plus sensibles dans la société marocaine du début du
XXIème siècle. Le Maroc, qui fût durement touché par les "années de
plomb" dans les années 1970 et 1980, veut en effet s'inscrire dans un
processus de démocratisation de ses institutions qui ne peut qu'être accompagné
par l'ancrage solide des valeurs fondamentales des Droits de l'Homme tant dans
la société que dans l'Etat. Aujourd'hui si des progrès indéniables sont à
souligner, il subsiste encore des points noirs notamment en matière de liberté
de parole – et de la presse par extension, de liberté de culte, et certains
dossiers sont encore considérés comme tabous.
Ainsi en quoi la question
des Droits de l'Homme est-elle essentielle au développement de la société
marocaine?
C'est ce qui sera traité ci-dessous avec l'analyse des Droits de
l'Homme comme moyen de promotion de la société ;Dans un premier temps par
l'évolution des libertés fondamentales,ensuite par l'emergence d'une société
civile active.Enfin , par le prisme des rapports entre la société et le
pouvoir.
Il
est important pour toute société de disposer, en contrepartie de ses devoirs,
de droits lui permettant de s'exprimer, d'évoluer et d'agir. La société
marocaine ne déroge pas à la règle et ses revendications ne sont pas nouvelles.
Aujourd'hui la liste des acquis est longue: le Maroc est signataire de
différentes conventions et accords concernant la liberté de la presse, la
torture, les discriminations diverses, le travail des enfants, les droits des
handicapés etc...ces acquis ne sont pas là simplement pour faire plaisir aux
grandes instances internationales, elle permettent dans les faits une meilleure
cohésion sociale et contribuent au développement de la société toute entière:
en signant ces accords, le Maroc affirme sa volonté de remédier à des fléaux tel
la mise à l'écart de pans entier de la société ou le travail des enfants qui
contribuent fortement à la déscolarisation et donc à l'émergence d'une main
d'oeuvre non qualifié souvent condamné au chomage. Les enjeux ne sont pas donc
seulement sociaux mais aussi économiques et politiques, la question des Droits
de l'Homme est en ce sens globale. Si tous s'accordent pour dire que des
changements sont bienvenus et même nécessaires, il faut toutefois trouver le
fragile équilibre entre modernisation et respect des traditions: en d'autres
termes, il faut laisser du temps à la société pour qu'elle puisse interioriser
les changements sans pour autant faire le jeu de ceux qui peuvent tirer
avantage des manquements aux Droits de l'Homme. Par ailleurs il ne s'agit pas
seulement de l'évolution de la société dans son ensemble mais aussi de
l'épanouissement individuel de chaque citoyen, et l'un ne va pas sans l'autre.
La promotion des Droits de l'Homme ne peut
se faire sans une société civile active et impliquée. On entend par
"société civile" tous les acteurs originaires de l'espace sociétal et
qui oeuvrent pour le développement des droits fondamentaux. Dans le cas des
Organisations Non Gouvernemantales (ONG), ils peuvent être des émanations
d'organisations présentes à l'international tel Amnesty International ou bien
trouver leur origine directement dans la société marocaine. On peut citer
parmis ces derniers l'Association marocaine des droits humains (AMDH), créé dès
1979. Au final on compte aujourd'hui plus de 40 000 ONG (ou assimilés) au Maroc
présentes dans tous les domaines et donc égalemment dans celui des droits de
l'Homme. Mais la société civile ne se résume pas aux ONG, il ne faut pas
oublier le rôle prépondérant que peut jouer chaque citoyen de par ses actes et
sa mobilisation dans le cadre par exemple de manifestations. Le Mouvement du 20
février par exemple portait des revendications fortes en terme de Droits de
l'Homme. La société civile est à la fois un moteur et un catalyseur des
revendications sociales. La dansité du tissu associatif et le degré de
responsabilité des citoyens vont conditionner son action. Elle se doit aussi
d'être un garde-fou contre toutes les dérives. Dans le cadre de la thématique
des Droits de l'Homme, la société civile doit être au coeur de l'action.
La pierre angulaire des
rapports société-pouvoir reste la Constitution et elle est un bonne indicateur
de l'état d'avancée des droits de l'Homme dans le pays. Un bref historique des
différentes Constitutions qu'a connu le Maroc suffit pour constater des progrès
importants: Tout d'abord au niveau politique, la transition démocratique si
elle reste lente n'est pourtant pas un mirage et la dernière Constitution à
consacré un certains nombres de principes allant dans ce sens. La mesure phare
reste sans doute l'obligation pour le Roi de nommer un Premier Ministre
appartenant au parti majoritaire. Par ailleurs le pouvoir peut devancer la
société civile et proposer des réformes comme celle de la Moudouwana, le code
de la famille qui vise notamment à plus d'égalité Homme-Femme. Ainsi le pouvoir
a tout intérêt à anticiper et devancer les changements pour éviter les troubles
qui peuvent remettre en cause son autorité.
Dans un pays comme le
Maroc, engagé dans un processus de modernisation à marche forcée, le rôle du
pouvoir dans le processus de libéralisation de la société peut souvent sembler
ambigu, en posant des freins à des réformes tout en initiant d'autres. En
réalité le pouvoir cherche surtout à ne pas rompre l'équilibre qui le légitime
et c'est ce paradigme qui définit essentiellement ses rapports avec la société.
Youssef MNAILI
AI Maroc
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